29. MON PROCÈS

Je rêve que je suis mort.

Finalement la vie est une ligne en pointillé.

Les rêves sont ces pointillés.

La mort est le point final.

Au moment de mon enterrement, une longue procession porte mon cercueil à bout de bras, circulant à travers des collines et des pentes mauves escarpées.

Je m’aperçois que c’est mon peuple, le peuple des dauphins, qui transporte ma dépouille. Tous sont en smoking noir, certains portent des chapeaux hauts de forme, les silhouettes féminines ont des voilettes. En m’approchant je découvre qu’ils n’ont pas de visage mais les têtes des… pièces d’échecs.

Les plus petits ont des têtes de pions, sphériques et lisses, les plus gros des têtes de Chevaux avec la bouche et les naseaux ouverts, d’autres des têtes de Fous, avec la fente en travers, les plus grands sont des Rois portant la couronne à croix, les plus grandes, vêtues de longues robes bouffantes, sont des Reines à couronne crénelée. Pas d’yeux, pas de peau, juste du bois beige clair, lisse et laqué.

Ils sont des milliers qui avancent en silence, lentement, en direction du cimetière.

Revêtu de ma toge divine, les mains croisées sur mon ankh, le visage comme endormi, les paupières closes, je gis dans mon cercueil. Le carrosse des pompes funèbres est tiré par des pièces à tête de cheval, le front garni de longs plumeaux noirs. Sur le sommet du véhicule : des drapeaux à l’emblème du dauphin qui a guidé ma civilisation.

La procession s’arrête devant une allée.

Un groupe de Rois tire mon cercueil pour le dégager. Ils le portent sur quelques mètres puis le transmettent à un groupe de Reines. Puis à un groupe de Fous. Ce sont les Fous qui m’amènent jusqu’au trou de ma tombe.

Ils descendent mon cercueil avec des cordelettes noires.

Un peu plus loin, des pions en tablier noir gravent au burin mon épitaphe dans du marbre turquoise :

Il a essayé. Il a échoué.

De la part de son peuple.

Sans rancune.

Des cloches sonnent.

Je n’ai pas du tout envie de rouvrir les yeux. Je reste fasciné par ma tombe et son épitaphe terrible.

Sans rancune.

Ils ne m’en veulent même pas. Dans mon rêve, que je me force à continuer malgré les cloches, les pièces d’échecs viennent les unes après les autres jeter une fleur sur mon cercueil. À bien y regarder, derrière les pièces en smoking, il y a des pièces toutes maigres en tenue de prisonniers, puis d’autres en tenue Renaissance, en cotte de mailles, d’autres en peaux de bêtes à la manière des hommes des cavernes.

Une pièce à tête de Fou portant une soutane de prêtre se charge de l’oraison funèbre.

— Nous n’avons pas choisi notre dieu. Nous n’avons pas choisi nos prophètes. Nous n’avons pas choisi nos guides. Nous n’avons pas choisi nos guerres. Nous n’avons pas choisi nos malheurs. Celui que nous enterrons aujourd’hui a décidé de toutes ces orientations à notre place et nous les a imposées. Nous n’avons pas choisi nos destins. Nous n’avons pas choisi d’être pacifiques. Celui que nous enterrons aujourd’hui a cru que ce serait le mieux pour nous. Maintenant qu’il est mort nous avons le recul pour voir son œuvre en perspective et nous pouvons juger. Il s’est trompé sur tout. C’est un fiasco. Il a essayé. Il a échoué. De la part de son peuple. Sans rancune.

La lourde pierre tombale est placée alors que la Terre a complètement recouvert mon cercueil.

Les cloches résonnent plus fort.

— Réveille-toi !

J’ouvre les yeux d’un coup. Je vois une cellule de prison. Je referme vite les yeux.

« Il a essayé. Il a échoué. De la part de son peuple. Sans rancune. »

Je crois que j’ai envie de dormir. Longtemps. Dormir peut être un objectif de vie. Rêver.

Je rêve que mon âme ne fait que cela, dormir. Comme la Belle au Bois Dormant.

Je commencerais à dormir dès la naissance, on me nourrirait par perfusion. Je vieillirais lentement, sans maladie, sans blessure, sans victoire, sans défaite, sans choix, donc sans risque d’erreur.

Sans culpabilité.

Je ne ferais rien.

Une vie où je ferme les yeux et plane dans des mondes imaginaires où aucun de mes actes n’a de conséquences.

Un baiser doux tente de me réveiller.

Puis un second. Plus profond.

Je rouvre les yeux.

Un parfum.

Ce n’est pas celui de Mata Hari.

Une bouche féminine.

Ce n’est pas celle de Mata Hari.

— Tu as eu un sommeil très agité. Tu m’as donné des coups de pied, dit-elle gentiment.

Le visage face à moi est rond, rose, souriant, mutin.

— Je voulais être là, avec toi dans ce dernier chapitre, dit-elle en m’embrassant le front, que tu saches que j’ai toujours été avec toi et que je le serai encore pour longtemps.

Aphrodite se lève d’un bond et je la vois, sublime dans sa nudité dévoilée. Elle sautille, gracieuse, se rhabille prestement.

— Je ne peux pas rester. Mais sache que je ferai tout pour te sauver. Vraiment tout.

À peine est-elle sortie qu’un groupe de centaures pénètre bruyamment dans ma cellule. Ils m’attrapent et me forcent à m’habiller.

J’obtempère, résigné.

Ils me guident vers l’Amphithéâtre, transformé pour la circonstance en salle de tribunal.

Les douze Maîtres dieux siègent derrière une longue table. Les spectateurs sont revenus. Pour eux ce n’est qu’une prolongation du spectacle de la veille.

Athéna se lève et actionne le gong.

— Accusé Michael Pinson, levez-vous !

Je me dresse lentement. Les Maîtres dieux palabrent et se contredisent sur la procédure à suivre pour ce procès exceptionnel. Finalement ils s’accordent sur une formule qui leur convient à tous. Si je comprends bien, Dionysos sera mon avocat.

Apollon défendra l’accusation.

Athéna, présidente du tribunal, s’est munie d’un maillet dont elle frappe la table pour obtenir le calme.

— La parole est au procureur.

Apollon me qualifie de meurtrier multirécidiviste. Il rappelle que j’ai tué deux concurrents, Lucien Duprès et Xavier Dupuis, et un centaure, il souligne aussi que j’ai eu un comportement de mauvais joueur, trichant puis n’acceptant pas mes défaites successives. Il énonce toutes les règles de l’Olympe et déclare que je les ai toutes violées. Il dit que j’ai montré depuis le début un comportement de « trublion ». Même dans la partie sur Terre 18 j’ai abusé des miracles et des prophètes car j’étais incapable de m’en sortir dans les règles de l’art.

Le témoin Atlas rapporte que j’avais déjà triché en m’introduisant subrepticement dans sa maison pour dénaturer la partie en lançant mon fameux messie, l’Éduqué.

Le témoin Hermaphrodite souligne que j’ai vandalisé son laboratoire et libéré des chimères dont certaines sont encore tapies dans la forêt bleue, exposant l’île à des mutations biologiques imprévues.

Des sirènes en baignoire narrent en chantant comment, désireux de franchir le fleuve sur un radeau, je les ai frappées avec des bâtons.

Je prends un air narquois.

Quel ignoble citoyen d’Aeden je suis.

Et cela continue. La chimère aux trois têtes vient raconter comment je l’ai rendue folle avec un miroir. La Gorgone Méduse signale que j’ai troublé l’ordre des champs de sculptures réalistes.

Il ne manque plus qu’ils fassent venir la baleine géante qui m’a avalé avec Saint-Exupéry. Elle pourrait se plaindre que je lui aie créé des problèmes digestifs.

Raoul Razorback demande la parole. Il insiste pour venir témoigner.

Athéna l’y autorise. Mon ancien ami rappelle que mon travail de dieu a été exemplaire, j’ai diffusé par mon prophète, l’Éduqué, des valeurs d’entente cordiale entre les mortels, de connaissance, de tolérance. Et il dit que même si j’ai par moments été maladroit c’était plus par naïveté ou manichéisme que par volonté de fausser le jeu.

Les juges semblent agacés de voir le gagnant défendre le perdant. Raoul rappelle que mes hommes-dauphins n’ont jamais envahi de pays voisins, ni converti de force des populations professant une autre religion. Ils ont toujours fait progresser et évoluer les pays où ils étaient accueillis et ce n’est que par jalousie devant leur réussite qu’ils étaient systématiquement persécutés.

— Pour n’importe quel joueur cette situation peut paraître suffisamment injuste pour qu’on perde patience et contrôle, conclut-il. Moi-même, à sa place, dans les mêmes circonstances, j’aurais probablement agi de même.

Quelques personnes dans l’assistance approuvent alors qu’Athéna tape du maillet pour exiger le silence.

Dionysos, en tant qu’avocat de la défense, prend le relais. Il rappelle tous les apports de ma civilisation des hommes-dauphins à l’humanité de Terre 18. Il affirme que si j’ai gravi la Montagne pour rencontrer Zeus c’est par volonté de m’élever. Il souligne que j’ai tué le déicide et que celui-ci nous avait créé tellement de soucis que l’on ne savait plus comment s’en débarrasser.

— Ce soi-disant crime est une œuvre de salubrité publique ! Nous devrions tous le remercier comme on remercierait un policier qui a mis hors d’état de nuire un sérial killer.

La foule réagit en sifflant, huant, conspuant.

Certains crient déjà : « À mort Pinson. À mort Pinson ! »

Athéna est obligée de battre à nouveau du maillet pour calmer la foule bruyante.

Un débat démarre alors sur le thème : « Assassiner un assassin, est-ce un crime ? » Chaque dieu a un avis.

Je me sens fatigué.

Un petit bruissement d’ailes, sur ma gauche, m’avertit de la venue de la Moucheronne. La minuscule jeune fille aux ailes de papillon se pose sur mon doigt et me sourit.

— J’ai l’impression que je t’ai connue jadis, lui chuchoté-je.

Elle dodeline de la tête et secoue sa chevelure rousse.

— Tu étais une de mes connaissances de Terre 1 ? Nous avons été amis ?

L’expression a l’air de beaucoup l’amuser. Elle approuve.

— Nous nous sommes aimés ?

Elle appuie plus encore son signe affirmatif, s’ébouriffe un peu les cheveux, me mord l’ongle à pleine bouche, puis s’envole, légère.

Elle reste à papillonner autour de nous.

Poséidon réclame la parole. Face à Athéna, le dieu des Océans tient à signaler sa haute estime pour le dieu des dauphins qui a su créer une animation dans un monde de routine répétitif. Il rappelle comment les promotions 16 et 17 avaient certes évité de tricher et de tuer, mais comment eux, les Maîtres immortels, s’étaient ennuyés devant ces spectacles prévisibles.

Nouveau témoin. Arès trouve que mon absence de pugnacité me condamne. Le dieu de la Guerre signale que je suis un dieu pleutre. J’aurais dû monter une armée solide, et envahir et convertir car tel est le jeu des dieux. Il dit que je suis comme un joueur d’échecs qui refuserait de prendre les pièces adverses. C’est de l’antijeu. Et cela nuit au spectacle. Il conclut en déclamant :

— Monsieur Pinson, au nom de ses notions de morale simpliste, aurait probablement voulu que tous les peuples s’entendent cordialement. Il a d’ailleurs inspiré plusieurs assemblées de représentants des nations visant à la démilitarisation planétaire ! C’est un comble. Comme si les gladiateurs s’entendaient entre eux pour ne pas se battre !

Nouvelle réaction du public, brouhaha, huées ou applaudissements.

Artémis, déesse de la Chasse, rappelle que j’ai suffisamment bien joué pour tenir jusqu’à la Finale, ce qui en soit est quand même une performance.

Je fixe Aphrodite et celle-ci, malgré sa promesse de m’aider, ne parle pas, donnant l’impression d’être indifférente à ma situation. Elle ne me regarde pas et semble plongée dans des réflexions intimes.

Un nouveau débat s’instaure entre les Maîtres dieux sur le thème de la légitime défense, du devoir de protection des peuples, de la morale des civilisations et de l’éthique des dieux.

Tous conviennent que j’ai été un dieu trop moral envers son peuple et trop immoral envers ses pairs.

Athéna annonce que les jurés vont se retirer pour délibérer.

Les douze Maîtres dieux de l’Olympe me laissent seul face à la foule des spectateurs d’Aeden qui m’observent tout en chuchotant entre eux.

Je ferme les yeux, et ai à nouveau envie de dormir.

Finalement, ce qu’il y a d’extraordinaire quand on est en train de dormir, c’est que les actes que l’on produit n’ont aucune conséquence. On peut même tuer. On peut même se laisser tuer. Sans dommage.

Je ferme les yeux et somnole pour fuir ce réel qui me déplaît.

J’ai envie de reprendre l’ancien rêve là où je l’avais laissé, je me souviens que Edmond Wells m’avait parlé du « Rêve dirigé ».

On s’endort avec en tête un début d’histoire.

Une fois qu’on est parvenu à l’endormissement le rêve est posé sur les rails et il avance tout seul. Edmond Wells prétendait même qu’une tribu de la forêt malaisienne, les Senoï, y consacrait les trois quarts de ses journées.

J’essaie.

Je peux rêver et agir.

Agir dans les rêves.

Je dois reprendre le dessus.

Dans mon cercueil imaginaire, sous la pierre tombale, la terre, et le couvercle de bois, j’ouvre les yeux. Il fait noir et cela sent la naphtaline. Je me contorsionne pour attraper mon ankh.

J’appuie sur la détente et fais exploser le couvercle de chêne. Puis je perce un tunnel qui me permet de me dégager de la terre. Je fends la pierre tombale. Je surgis de terre.

Je m’époussette.

Je monte sur le carrosse des pompes funèbres où les drapeaux dauphins flottent toujours au vent. Je vois la procession d’hommes et de femmes en pièces d’échecs et je leur parle.

Un peu comme si après avoir été jugé par les Maîtres dieux de l’Olympe, je voulais être jugé par mon peuple.

— Je suis là, je suis revenu, je suis prêt à vous parler, proclamé-je.

Ma sortie de la tombe les transforme.

Leurs visages de bois lisse muent en visages humains.

Je reconnais même quelques leaders de mon peuple dauphin : la première vieille dame qui avait nagé avec un dauphin, donnant ainsi un nom à mon peuple, la médium obèse qui avait fui sur le bateau les emportant vers l’île de la Tranquillité, et puis mon Eduqué, le Liéniste, l’Utopiste, l’Analyste.

— Dieu, dieu, pourquoi nous as-tu abandonnés ? clament-ils en chœur.

— Je ne vous ai pas abandonnés. J’ai fait du mieux que je pouvais tout en respectant votre libre arbitre. D’autres dieux ont été meilleurs que moi. Vous pouvez admettre et comprendre cela.

— Pourquoi ne nous as-tu pas armés pour résister à nos persécuteurs ? demande un homme tout maigre issu d’un groupe de survivants du massacre du Purificateur.

— La violence n’est pas le remède à la violence.

— La non-violence non plus, répond du tac au tac ce mortel. Si tout ce que tu as à nous proposer est de nous laisser tuer comme des moutons, notre culture n’a aucune chance de survivre.

— Entre se laisser tuer et devenir violent, il existe des solutions intermédiaires.

— Fuir ? demande une femme dont la chevelure est ornée d’une tresse.

— Voyager, inventer des nouveaux modes de pensée.

— Nos « nouveaux modes de pensée », comme tu dis, ont été récupérés par nos persécuteurs, déformés et retournés contre nous, ajoute l’Éduqué. Tout ce que nous produisons comme énergie de lumière est transformé en énergie de l’ombre.

— Nous inventons le marteau, explique l’Utopiste. Dans nos esprits il sert à planter des clous pour construire une cabane. Nous donnons à l’humanité le marteau mais les autres s’en emparent pour fracasser les crânes.

— Avec une tendance à fracasser les nôtres, complète un grand maigre au visage d’oiseau.

— Normal, nous sommes ceux qui savent à quoi sert le marteau, et ils veulent le faire oublier, précise un vieil homme.

— Une fois qu’ils nous ont volé nos idées, il faut nous tuer pour que nous ne puissions pas témoigner du vol, dit la femme avec des tresses.

Un murmure de colère parcourt la foule de mes hommes-dauphins.

Ils ont oublié qui je suis. Ils me parlent comme à l’un des leurs.

— Je ne suis pas responsable de la pulsion destructrice des autres peuples, grondé-je.

— Tu es responsable de nous comme un père est responsable de ses enfants. Et tu nous as mal éduqués. Tu nous as donné les mauvaises valeurs, rappelle le prêtre en soutane.

— Je vous ai appris l’art, la science, la sagesse…

— … Et cela ne pèse pas lourd face à l’agressivité, la bêtise, la haine, poursuit la femme aux tresses.

D’autres la soutiennent.

— Je préfère mourir en saint homme que vivre en salopard, dit le Liéniste.

— Pas moi, répond la femme aux tresses. Celui qui meurt est toujours perdant. Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. Dès que nous sommes morts tout est fichu. La culture du sacrifice est débile.

— À fortiori quand notre dieu nous propose de nous sacrifier non seulement pour notre peuple mais pour toute l’humanité ! ajoute l’Analyste.

Un débat s’installe au sein même de la foule de mes endeuillés. J’avais oublié que j’avais tellement développé le sens critique de mes hommes-dauphins. Ils débattent de n’importe quoi n’importe quand. Il suffit que l’un prenne une position pour qu’un autre affirme le contraire. Pour le sport.

Profitant de mon pouvoir de maîtrise du monde de mon rêve, je décide de descendre du carrosse et de grandir pour atteindre deux, puis trois mètres de hauteur.

Ce qui les impressionne suffisamment pour qu’ils consentent à m’écouter.

— Je n’ai pas à me justifier en tant que dieu, dis-je. J’ai toujours voulu votre bien. Et que je sache, à l’heure où j’ai quitté la partie, vous existiez encore.

— Plus d’un tiers des nôtres ont été tués par les hommes-requins sans que rien ni personne ne nous vienne en aide.

— Vous avez un pays bien à vous.

— Tellement minuscule qu’on le voit à peine sur les cartes, dit la femme aux tresses.

— Et les pays voisins non seulement ne le reconnaissent pas mais déclarent vouloir l’envahir.

— Ils ne se gênent même plus pour proclamer notre destruction, rappelle le Légitimiste.

Je grandis encore et ne me laisse pas décontenancer.

— Vous continuez à œuvrer dans les sciences et les arts. Vos scientifiques sont parmi les plus performants du monde. Vos artistes sont célèbres.

— Nos scientifiques sont souvent floués et leurs brevets pillés. Nos artistes sont jalousés et calomniés.

Mes mortels commencent à m’énerver.

— Vous êtes paranoïaques, affirmé-je.

— La faute à qui ? répond l’Analyste qui sait de quoi il parle.

Cette fois tombe un lourd silence. Je grandis encore puis fais un geste apaisant.

— Je ne suis pas un dieu infaillible. Vous devez me comprendre. Je vous ai donné une fête qui s’appelle la fête du Pardon… Vous pouvez me l’appliquer aussi. Pardonnez à votre dieu de ne pas avoir été capable de toujours vous sauver. Vous comptez tous les massacres que vous avez subis… mais sachez qu’il y en aurait eu beaucoup plus si je n’étais pas intervenu.

Ce qui n’a pas l’air de les rassurer. Pour ma part, étrangement, je me sens de mieux en mieux.

Comme si énoncer la vérité m’allégeait du poids de la culpabilité.

Ils me fixent et je ne sens guère de pardon dans leurs regards.

— Tu nous as abandonnés, répète la femme aux tresses.

Je sens qu’il faut que je me reprenne. Un dieu doit marquer son autorité. Je grandis encore. Je dois bien mesurer cinq mètres de haut. Il faut au moins cela pour impressionner ces milliers de mécréants ingrats.

— Je n’ai jamais cessé de vous soutenir.

Un petit garçon lève la main.

— Pourquoi viens-tu maintenant t’excuser alors ?

— Je ne m’excuse pas. Je ne voulais pas que vous m’enterriez et m’oubliiez dans ce cimetière sans vous parler.

— Tant que tu ne disais rien on pouvait imaginer tes paroles, continue l’enfant.

— Tant qu’on ne te voyait pas on pouvait t’imaginer, dit la femme aux tresses.

— Tant que tu ne t’excusais pas, on pouvait se persuader que ce n’était pas ta faute, ajoute le prêtre en soutane.

— Nous inventions tes raisons d’agir, ajoute l’Analyste.

— Et nous t’inventions toujours des excuses au troisième ou au quatrième degré, affirme l’Éduqué.

— Nous pensions qu’au dernier moment tu révélerais que tout cela était voulu par un dernier coup de théâtre splendide qui renverserait et justifierait tout, scande le Liéniste.

— Et tu nous annonces maintenant que tu as fait ce que tu as pu comme un maladroit ! Et tu voudrais qu’on te pardonne !

La foule murmure.

— Tu aurais mieux fait de rester dans ton cercueil, affirme le prêtre. La parole est puissante, mais il sied à un dieu de maintenir son mystère.

Tout le monde approuve.

— Nous préférions nous poser la question de ton existence plutôt que de te voir ainsi, déclare le petit garçon.

« Ne jamais s’expliquer. Ne jamais se justifier », m’avait pourtant appris Edmond Wells. « Dès que tu commences à vouloir légitimer tes actes on considère que tu as tort. »

Je comprends soudain qu’un dieu ne peut apparaître à son peuple.

Les hommes-dauphins me fixent en silence et je ne sens plus chez eux la moindre vénération, le moindre respect. Juste des regards qui semblent dire : « Si nous avions pu choisir notre dieu ce ne serait certainement pas toi. »

Une main me secoue sans ménagement. Cette fois aucune bouche pulpeuse ne me fait face.

Juste un faciès de centaure barbu à l’haleine fétide.

Je ne sais pourquoi mais jamais je n’ai été aussi content de quitter le monde onirique pour revenir dans le réel.

Ce n’était qu’un rêve.

Quoi qu’il arrive ici en Aeden ce n’est rien par rapport à ce cauchemar terrible, le plus terrible pour un élève dieu.

Rendre des comptes à ses mortels.

Les trompettes résonnent.

Les jurés reviennent. Ils s’assoient, fuyant mon regard.

Je n’ai plus la moindre inquiétude. Que peuvent-ils me faire ? Me transformer en centaure ? Me condamner à pousser un rocher comme Sisyphe ? Me faire dévorer le foie comme Prométhée ? Me tuer ? Même si mon âme devait cesser de se réincarner et que cette chair, ma dernière chair, ne se transforme qu’en tas de viande à pourrir et à nourrir les vers, cela me soulagerait. J’échangerais bien plusieurs siècles de repos éternel contre une minute de culpabilité divine.

Athéna annonce le verdict.

— À la question : « Michael Pinson est-il coupable d’homicide en Aeden ? », la réponse est… oui.

Grande rumeur dans la foule.

— À la question : « Michael Pinson est-il coupable de triche sur Terre 18 ? », la réponse est… oui.

Qu’ils fassent vite.

— À la question : « Quel châtiment pour ses crimes ? », les jurés ont décidé que Michael méritait le plus grand des châtiments.

Je retiens mon souffle.

Une rumeur parcourt la salle.

Pour ma part, je crois que, comme un boxeur épuisé en fin de match, je suis devenu insensible aux coups. Je ne me rends pas tout de suite compte de l’étendue de la catastrophe.

— Accusé Pinson, avez-vous quelque chose à dire pour commenter votre condamnation ? Un mot qui pourrait nous éclairer sur votre comportement criminel ?

Je ne me donne même pas la peine de réfléchir, et lâche le mot dont j’ai mis tant de temps à comprendre la puissance et la valeur :

— Rien.

Athéna est satisfaite, la foule des spectateurs aussi.

Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison.

Les centaures viennent me saisir. Je ne me débats même pas. Je me laisse emporter. Mon corps est tout mou.

Être dieu me fatigue. Qu’ils se débrouillent sans moi. Je rends ma toge et mon ankh.

Juste avant de fermer les yeux pour me calmer, je vois le visage d’Aphrodite bouleversée. Les autres Maîtres dieux à côté d’elle sont rassurés.

Ma condamnation est le prix de leur apaisement.

Le Mystere des Dieux
titlepage.xhtml
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_047.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_048.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_049.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_050.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_051.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_052.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_053.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_054.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_055.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_056.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_057.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_058.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_059.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_060.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_061.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_062.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_063.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_064.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_065.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_066.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_067.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_068.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_069.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_070.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_071.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_072.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_073.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_074.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_075.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_076.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_077.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_078.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_079.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_080.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_081.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_082.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_083.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_084.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_085.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_086.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_087.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_088.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_089.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_090.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_091.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_092.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_093.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_094.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_095.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_096.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_097.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_098.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_099.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_100.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_101.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_102.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_103.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_104.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_105.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-3]Le Mystere des Dieux(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_106.html